Avec des mordants végétaux
En teinture végétale, il est d’usage de distinguer les fibres d’origine animale comme la laine ou la soie, des fibres végétales tel que le coton, le lin, ou encore le chanvre.
Une distinction très importante pour savoir comment s’y prendre pour teindre le textile ; plus précisément pour savoir comment on va procéder au mordançage du textile. Pour rappel, le mordant est ce qui sert à « fixer » la couleur.
Le mordant sera différent selon la nature du textile. Et c’est particulièrement vrai, lorsque l’on a fait le choix, pour des raisons écologiques, de ne pas utiliser d’alun. Un choix que j’ai fait dès le début de ma pratique et qui ne m’a pas facilité la tâche.
Je suis donc partie sur des sentiers peu balisés à la recherche de plantes qui peuvent aider à fixer la couleur.
Pour les fibres animales, mes expériences avec des plantes locales ont été concluantes.
Pour les fibres végétales, la tâche est plus ardue. En raison de leur forte teneur en cellulose, le coton, le lin ou le chanvre ont du mal à accrocher les colorants végétaux.
Le textile doit donc être travaillé en amont pour une meilleure tenue de la couleur. Trois étapes sont nécessaires.
1. Le débouillissage
L’opération de débouillissage consiste à débarrasser le tissu de tout apprêt et autres résidus utilisé pour sa confection. Le tissu est lavé à haute température (entre 60° et 90° C) dans une eau additionnée de savon de Marseille et de cristaux de soude.
2. Animaliser la fibre
Toujours dans le souci d’une meilleure affinité, les teinturiers des quatre coins du monde ont imaginé des recettes pour rendre la fibre cellulosique mieux adhérente à la couleur en « enrichissant » la fibre en protéine.
Dans le jargon du teinturier, on parle « d’animaliser » la fibre.
Généralement, les teinturiers ont fait avec les ressources locales.
Les Japonais trempent le coton dans du lait de soja.
Les Indiens baignent les tissus dans un bain chaud additionnée l’huile ricin sulfoné.
Le lait des herbivores riches en protéines, comme la brebis ou la chèvre a été utilisé de la même façon.
De mon côté, j’ai tenté d’autres alternatives avec des ressources facilement accessibles. L’œuf a donné des résultats intéressants.
3. Le mordant végétal
Une fois le tissu lavé puis « animalisé » (étape facultative), il faut procéder au mordançage. Les plantes riches en tanins sont d’une aide précieuse. Un usage traditionnel que l’on connaît sous le nom d’« engallage ».
Mais d’autres plantes sont aussi intéressantes.
Il y a bien sûr le symplocos, qui est quasiment aussi efficace que l’alun du fait de sa richesse en ion d’aluminium organique. Le symplocos est particulièrement utile pour toutes les plantes à jaune, riches en flavonoïdes. Elles ont besoin de l’ion aluminium pour révéler l’intensité de leur jaune.
Il y a quelques années, j’ai planté au jardin une variété de symplocos acclimaté à nos latitudes. Malheureusement, la sécheresse de l’été de 2022 lui a été fatale.
Dans ma quête d’une couleur 100 % végétale, j’ai exploré d’autres pistes, comme le thé ou les pelures de banane. Je vous invite à les découvrir lors de stages de teinture végétale.
J’avoue que les pelures de banane m’ont agréablement surprises. Considérées comme des déchets, elles peuvent utilement être valorisées pour faire de la couleur.
Ces aventures « teintures végétales », je vous les raconte dans le livre Teinture sauvage.
Une démarche empirique, animée par une curiosité sur les plantes de notre quotidien et un fort désir d’apprendre d’elles en découvrant, par la couleur, leurs secrets cachés. C’est ma seule prétention : être en cohérence, en résonance avec la nature.