Une plante essentielle en teinture végétale
Lorsque l’on s’intéresse à la teinture végétale, il est difficile d’ignorer la garance. Elle fait partie des rares plantes qui « fait » du rouge, un rouge solide aux UV et au lavage.
Sa palette de couleurs est riche et diversifiée : des oranges, des roses, des rouges mais aussi des violets.
Tout dépendra de la plante, de l’eau, de la fibre et, bien sûr, de la « recette ».
1. Portrait de garance
Il n’existe pas une garance mais des garances, toutes appartenant à la famille des Rubiacées, les plantes du rouge.
Parlons des plus connues.
1.1. La garance voyageuse
Espèce sauvage, la garance voyageuse (rubia peregrina) pousse spontanément sur le pourtour méditerranéen.
Affectionnant les sols calcaires, on la trouve au pied des haies ou des talus. Elle est dotée d’un feuillage persistant. Et ses rhizomes contiennent des colorants rouges de la famille des anthraquinones, offrant des rouges assez sombres.
1.2. La garance des teinturiers
Espèce cultivée, la plus célèbre, la garance des teinturiers (rubia tinctorum) a été abondamment cultivée en Europe et l’est encore aujourd’hui par des passionnés.
Elle pousse sur les sols profonds, fertiles et frais. Pour une concentration optimum en colorant rouge (alizarine), les rhizomes sont récoltés au bout de la troisième année de culture. La qualité du sol et du climat influenceront la concentration de colorant contenu dans les racines. Elle est, dans tous les cas, la plante emblématique pour un rouge profond.
1.3. La garance indienne
Liane robuste, la garance indienne (rubia cordifolia) est abondamment répandue dans toute l’Asie et particulièrement en Inde. Elle pousse spontanément dans les clairières, en lisière des forets et dans les milieux ouverts. Tiges et racines sont utilisées pour la teinture. Ses nuances de rouges sont légèrement orangés.
2. Comment teindre avec de la garance
Il existe milles et une recettes de teinture à la garance : celles que je vous propose ne sont que des pistes qu’il vous revient d’explorer au gré de vos expériences.
2.1. Le mordançage : une étape nécessaire de la teinture à la garance
Première question : Faut-il mordancer la fibre ? La réponse est oui !
Mais le procédé sera différent selon que vous teignez de la laine ou du lin ou du coton. Seul point commun : l’usage de plantes comme mordant.
2.1.1. Pour la laine
Plusieurs plantes peuvent vous aider à fixer la garance :
- des plantes riches en tanin, avec un peu de jus de citron : noix de galle, sumac, myrobolan ou encore grenadier. Si le tanin est coloré comme le grenadier, il a ajoutera de la nuance à votre garance qui tendra alors vers l’orangé.
- des plantes riches en acide oxalique comme les feuilles de rhubarbe, de rumex, de betterave ou encore la renouée du japon.
- des écorces de bouleau,
- du symplocos. Plante naturellement riche en alumine, il peut aisément remplacer l’alun.
Toutes les étapes du mordançage à partir de ces plantes sont détaillées et développées dans mon livre.
2.1.2. Pour le lin ou le coton
Un premier lavage
Pour enlever tous les apprêts et autres résidus.
Ensuite, on animalise la fibre
Cette étape est facultative. Elle permet toutefois une meilleure adhérence des colorants végétaux en particulier sur les tissus neufs. Pour ce faire, il existe différences techniques. L’idée est de baigner le tissu dans un bain riche en protéines : lait de chèvre, lait de soja …
J’ai expérimenté le blanc d’œuf qui fait son effet.
Ce premier bain sera suivi d’un séchage.
Vient enfin la préparation des bains de mordant
Préparez une décoction de symplocos et une de noix de galles ou de sumac. Le tissu sera plongé en premier dans un bain de symplocos à 80°C pendant 30 minutes à 1 heure, puis ensuite dans le bain de tanin (même température et durée). Pour une nuance plus soutenue, vous pouvez répéter cette alternance de bain en réduisant la durée.
Pour finir, laissez sécher.
2.2 Le bain de teinture à la garance
Si vous achetez votre garance, les qualités varient d’un fournisseur à l’autre. D’ailleurs chez le même fournisseur, les nuances peuvent changer d’une année à l’autre. La nature du sol, la période de récolte mais aussi le climat sont autant de facteurs qui influencent sur la concentration de colorants.
Les racines de garance sont proposées sous différentes formes : découpées menues, réduites en poudre, ou encore sous forme d’extrait de plante.
La quantité recommandée pour des tons rouges et soutenus est 100 % du poids de la fibre à teindre. Si la garance est sous forme d’extrait, vous vous reporterez aux instructions du fabricant.
2.2.1. Première étape de la teinture à la garance : l’extraction du colorant
Cette étape est inutile lorsque vous utilisez un extrait de garance. Dans ce cas, vous passez directement à la seconde étape.
- Vider les racines de garance dans la casserole.
- Couvrir d’eau de façon à bien immerger la plante.
- Laisser reposer au moins une nuit, de préférence 24 heures.
- C’est prêt quand le jus est bien rouge. Si ce n’est pas le cas, faire chauffer lentement jusqu’à 60-70°C
- Filtrer la décoction avec une étamine.
- Réserver le jus.
2.2.2. Deuxième étape de la teinture à la garance : le bain de teinture
- Verser le jus de plante dans une marmite suffisamment grande pour déployer convenablement vos fibres à teindre.
- Allonger d’eau, si possible avec une eau calcaire.
- Ajouter les fibres mordancées préalablement mouillées et essorées. Veiller à ce qu’elles soient complètement immergées.
- Chauffer et monter très progressivement en température jusqu’à 80-85 °C et maintenir à cette température pendant au moins 20 minutes et jusqu’à 1 heure.
- Couper le feu et laisser refroidir le bain teinture.
- Un fois le bain refroidi, sortir les fibres et les essorer. Les faire sécher à l’ombre.
Quelques précisions sur le bain de teinture à la garance :
- La garance apprécie les eaux calcaires. Si votre eau est douce, ajoutez un peu de craie jusqu’à ce que le jus soit bien rouge (étape 2). Pour le lin ou le coton, vous pouvez même tremper votre tissu dans un bain de craie avant de le plonger dans le jus de garance.
- A l’étape 4, ne pas dépasser les 85 °C, ne pas monter au bouillon au risque d’altérer la couleur. Le rouge vire alors au marron.
- Pour un bel unisson (étape 4) remuer régulièrement (toutes les dix minutes environ) et doucement.
- Pour le lavage, si votre eau est très peu calcaire et légèrement acide, un lavage avec un peu de produit vaisselle ou un peu de craie permettra de rougir un peu les teintes.
3. Faire varier les nuances obtenues avec la garance
La garance fait du rouge mais pas que. Mariée avec d’autres plantes, la palette de couleur s’élargit.
Quelques suggestions pour enrichir vos expériences :
- avec l’indigo, pour un bleu plus soutenu ou un marron chocolat
- avec les plantes du jaune, pour des orangés.
- avec du bois de campêche pour des violets.
- avec du châtaigner pour un brun rouge.
Pour ce faire, deux possibilités :
- mettre les plantes dans le même bain de teinture à la condition que les plantes aient les mêmes affinités sur la qualité de l’eau (PH, dureté…) ou
- procéder par bains successifs, nécessaire et indispensable avec l’indigo.
Vous pouvez alors explorer le champ des possibles en faisant varier la quantité de plante dans chaque bain.
Ce second bain de nuançage est bien pratique pour « rattraper » une couleur jugée trop fade.
J’aime ainsi travailler ces seconds bains jusqu’à trouver la nuance qui accroche mon œil.
Je vous laisse expérimenter la teinture à la garance.